Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, raconte ses premières fois et ses ambitions en faveur d’une éducation artistique et culturelle pour tous. Dans le prolongement des recherches dirigées depuis 1992 par Emmanuel Ethis, Jean-Louis Fabiani et Damien Malinas sur les publics des Festivals d’Avignon, le séminaire est le premier acte d’un nouveau partenariat entre le Festival d’Avignon et l’INSEAC. « Le texte représente ma façon de participer au théâtre et, par cela, de participer au monde. Mon point de vue est encore beaucoup lié à celui du comédien, c’est-à-dire que ce n’est pas l’œuvre en soi qui me séduit, qui me passionne, mais les possibilités de rencontre avec l’autre qu’elle permet. C’est très simple : comme des centaines de femmes et d’hommes l’ont fait avant moi, j’écris le matin, nous répétons avec la troupe l’après-midi. Le matin, j’essaie d’apporter quelques pages, que nous lisons ensemble pendant l’après-midi, à table ou debout. Les gens disent ce qu’ils pensent, nous faisons des coupes, nous jetons à la poubelle. Si cela se passe bien et que quelques phrases survivent jusqu’au lendemain, le matin suivant j’écris encore et l’après-midi nous répétons à nouveau. Ce que j’ai trouvé dans ce système – qui n’est pas vraiment une méthode, mais juste une façon de passer le temps tandis que nous sommes en train de créer une pièce – c’est qu’il y a un dialogue plus intime, plus profond entre ce moment matinal de solitude et celui, social, de l’après-midi, de l’assemblée, qui se réunit autour des textes. Il se passe un échange là, un débat profond qui correspond à ma manière d’être avec les autres. Pour moi le théâtre a toujours été cela, depuis que j’ai commencé à en faire. C’était un besoin personnel. Je savais depuis mon enfance que je ne deviendrai pas quelqu’un qui allait faire des choses concrètes, qui allait sauver, guérir, protéger. J’allais parler plutôt, écrire peut-être, et lire : ce serait à travers les mots des pages sales que je participerai au monde, à travers des choses invisibles qui demandent un effort d’imagination pour être acceptées comme faisant partie de la réalité. Depuis très jeune, l’écriture a été à la base du rapport avec ma famille, avec ma maîtresse de l’école primaire, avec mes petites amies : j’écrivais des poèmes d’amour, des choses comme cela. Elle a été à la base du rapport avec mes camarades : dans les pauses des leçons, je racontais des histoires et ils les aimaient bien. Je ne faisais rien de vraiment spécial, mais je savais que j’allais participer ainsi au monde, que j’allais narrer et écouter des contes, parler, écrire. J’ai commencé à faire du théâtre non pas parce que cela me fascinait, mais parce que cela me permettait d’être en rapport à la fois avec la lecture et avec l’autre, de parler physiquement, en le regardant, de ne pas être tout seul avec le livre, même s’il satisfaisait aussi ce besoin d’isolement. Je pense que l’équilibre entre la solitude matinale et l’assemblée de l’après-midi était déjà posé au début. Heureusement j’ai eu l’opportunité, la chance, la détermination aussi, peut-être, de traduire cela en profession, en mode de vie. Et les mots continuent de me rendre heureux. » Extrait de l’entretien « Le spectacle, contrat imaginaire », par Laure Adler
Processus de création en collectif : postures, compétences et parcours tout au long de la vie
Le podcast Processus de création en collectif : postures, compétences et parcours tout au long de la vie Études de cas comparatives sur les typologies de collectifs et les profils